dimanche 26 février 2017

L'incorporation des ancêtres



Isabelle Luciani et Valérie Piétri (dir.), L'incorporation des ancêtres. Généalogie, construction du présent, Aix-en-Provence, PUP, 2016.

Pour un peu changer, Sacrés Ancêtres! vous parle d'un livre. Et comme d'habitude, je vous préviens, il ne s'agit pas d'un compte-rendu de lecture, mais d'un simple avis.

Cet ouvrage est composé de plusieurs communications diverses autour du thème de la généalogie et de "l'incorporation des ancêtres". La première phrase de l'excellente introduction d'Isabelle Luciani et Valérie Piétri est éclairante à plus d'un titre : "La question des origines travaille en profondeur le processus de construction identitaire que ce soit à l'échelle collective, des groupes sociaux aux peuples et aux nations, ou à l'échelle des individus". C'est donc un livre résolument tourné vers la compréhension du présent à travers le passé généalogique ; une compréhension de soi à partir de ses aïeux.
Ainsi, le thème, qui permet d'élargir la question aux groupes et nations, est assez large pour que les communications soient intéressantes pour tous types d'historiens et de généalogistes. Après plusieurs communications autour des nations, l'on s'intéresse aux récits de chevalerie, aux imprimés généalogiques, etc.

Mais procédons dans l'ordre ! Les premiers articles portent sur la construction des nations par une généalogie. Et en effet, les mérovingiens, les capétiens, tenaient leur légitimité de leur généalogie. Ainsi les capétiens ont un peu effacé "l'usurpateur" Hugues Capet pour se concentrer sur les autres et asseoir ainsi leur légitimité sur le trône de France. Ils se revendiquaient originaires des troyens et donc d'une ascendance mythologique, d'un premier roi Francs (Francus) légendaire, etc. Cette généalogie permet de mieux saisir l'état d'esprit général de la France à l'époque moderne... du moins pour la noblesse et la royauté toutes deux férues de généalogie. Ainsi les Polignac, branche noble d'Auvergne, par un jeu d'homonymie se prétendaient descendre de Sidoine Apollinaire (Apollinaire - Polignac) lui-même descendant d'Apollon. Cette famille essayait en fait de montrer que sa noblesse, de toute façon immémoriale, remontait à l'Antiquité romaine et qu'ils étaient bien "les rois" en leur région. Cela, afin de contrer la monarchie absolue qui voulait mettre au pas les nobles.

Donc vous voyez, chers lecteurs, c'est un livre d'histoire avant tout. Mais un livre qui nous instruit, qui nous permet de mieux comprendre le rapport aux aïeux d'autrefois. Et ce, jusqu'à aujourd'hui. Au XIXe siècle, un article absolument passionnant d'Agnès Graceffia, nous renseigne sur la mythologie de la construction de la France, résolument "multi-ethnique" (Gaulois, Francs, Romains) pour montrer que notre pays s'est construit sur l'apport de plusieurs populations sur un territoire. C'est le territoire qui prime. En Allemagne, c'est la "race", les Germains. D'où le racialisme allemand qui continua au XXe siècle jusqu'à la seconde guerre mondiale.

Chaque communication nous apprend de nombreuses choses. Et on passe de cette macro-histoire, sur les nations, à la micro-histoire, sur des individus. Ainsi ce Valenzuela, favori de la reine-mère espagnole, qui, parti de rien, obtint d'êtres parmi les Grands de la noblesse et devint Premier Ministre. Les Grands, jaloux de leurs privilèges de race, firent une campagne de calomnie via des libelles pour faire disgracier le favori... ce qui réussit.

Vous trouverez un article sur les descendants d'esclaves absolument magistral avec la quête toute récente de l'origine de ces esclaves via la généalogie génétique. Un article se concentre sur ce dernier point et montre bien les dérives de cette pratique, avec ce que l'auteur appelle une racialisation 2.0 où des personnes prétendent avoir un sang pur et former des communautés racialement discriminantes grâce à ces tests. Plus encore, les limites de ces tests sont bien montrées par l'auteur (Claude-Olivier Doron), notamment leur fiabilité très contestable. En effet, les échantillons de population sont peu nombreux, ils ne tiennent pas compte des migrations anciennes, ils ne révèlent finalement qu'un cousinage lointain avec des individus qui vivent actuellement à tel ou tel endroit sans vous révéler d'où vous venez concrètement. Il ne s'agit pas de généalogie, mais de statistique dépendant de nombreuses variables dont... la spécialité de l'entreprise. En bref, ces tests sont vendus comme vous dévoilant vos origines, comme des tests historiques, ce qui est faux. Ce sont des données bruts contemporaines. Rien à voir avec de la généalogie. Sans parler du fait (et je trouve dommage que l'article n'en parle pas) que la généalogie est une construction sociale, que l'on accepte implicitement que les traces, les documents, nous disent la vérité. La généalogie n'est pas génétique.

Bref, c'est un livre absolument passionnant par ses nombreux articles, relativement brefs, ce qui est toujours agréable si l'on a peu de temps. En plus de cela, c'est un livre d'une grande rigueur historique, mais pas seulement : pluridisciplinaire par essence, il se conclut sur un article assez ardu sur Michel Foucault et la généalogie, donc un article philosophico-historique. Vous trouverez de l'analyse littéraire, de la sociologie, de la génétique, bref, un livre vraiment complet qui traite de la généalogie dans le cadre rigoureux des Presses Universitaires de Provence.
Si je devais faire un reproche, j'aurais un peu de mal et le seul qui me viendrait en tête serait lié à mes centres d'intérêt. Trop peu de classes intermédiaires (voire aucune) figurent dans cet ouvrage. L'on s'intéresse aux rois, aux nations en général, aux romans, aux nobles, mais quid des paysans, des artisans et autres. N'avaient-ils pas aussi des ancêtres dont ils pouvaient se revendiquer ? Les écrits du for privé (livres de raison, de famille, correspondance) peuvent peut-être répondre à cette question et l'une des directrices de cet ouvrage, Mme Isabelle Luciani, est justement très impliquée dans ce domaine. En tout cas, gageons que ce livre fera des émules, en histoire comme en généalogie, sur la construction du présent par l'incorporation des ancêtres (et quel beau titre d'ailleurs !).


A lire !

vendredi 24 février 2017

Ils ont des chapeaux ronds, de bonnes galettes et font de la généalogie comme des druides



Ouiiii, Sacrés Ancêtres ! adore la polémique, ça le fait rire. Il a lu avec attention les articles de Rémy Penneg, Sophie Boudarel, Stéphane Cosson et les commentaires. Et dans sa grande mansuétude, légendaire, que dis-je, mythologique, il prend la plume pour vous livrer un petit billet.

Il était une fois, à Lorient, un cordonnier qui épousa une domestique. La domestique de Lorient était originaire d'Auray et le cordonnier... de l'Ariège. Leurs enfants, un garçon et deux filles se marièrent avec une Bretonne du Nord (Valenciennes), un Breton du Sud (Toulon) et un Breton du Centre (Île-de-France). Ainsi, je constate une chose, que Rémy Penneg a raison, les Bretons sont stables. Ils se marient entre eux.
D'ailleurs, mon père est un Breton de l'Extrême-Sud (Borgo di Gaeta, che è una bella città della Bretagna) où l'on parle un patois très local, vous l'aurez compris.

En fait, je ne comprends pas cette polémique autour de cette article. M. Penneg a raison. Sophie, Stéphane, que racontez-vous donc ?!!

En effet, on apprend que les curés sont bavards en Bretagne. On vous donne même (parfois, hein, faut pas déconner), les noms ET prénoms des parents d'un baptisé. Alors que c'est bien connu, chez les Zoulous de Marseille, il n'y a aucun registre. D'ailleurs, je suis allé aux AD des Bouches-du-Rhône il y a peu :
« Bonjour, je voudrais consulter les registres de Marseille.
Ahhhh mon bon monsieur, on vous a pas dit ? On n'a pas de registres ici.
Quoi ? Crottebleu ! Que Dieu me patafiole !!
En fait, je dois vous avouer un truc, mon bon monsieur. Le bâtiment n'abrite aucun document, en fait, on sert juste à décorer le quartier et à créer de l'emploi fictif.
Madame, je suis outré. Des emplois fictifs en plus ? »
C'est ainsi que j'ai fait la connaissance de Pénélope F.
Mais passons.
M. Le Breton a donc raison, CQFD.

En plus, les Bretons sont soudés, plus que les autres. Certains sont même soûlés plus que les autres... Bref, ils forment une communauté forte, alors que la Provence ? le Nord ? Tout ça, ce sont des gens bizarres qui n'ont pas de sentiment d'appartenance. C'est bien connu. D'ailleurs, moi (encore lui... cet égocentrique !!) le Marseillais, je n'ai aucun sentiment d'appartenance, quand bien même j'ai des ancêtres sur Marseille depuis le XIVe siècle... grâce à des registres qui n'existent pas, bien sûr. Et puis, j'ai cette force de me sentir aussi un peu Provençal en général, mais aussi je suis originaire du Dauphiné, du Hainaut, de la Belgique, des Pays-Bas, de l'Italie, de la Haute-Marne, de la Sarthe et même de la Bretagne... mais avec mon nom qui fleure bon la pizza, j'ai peur d'y être regardé de haut...

Et c'est bien connu, la société bretonne est la même qu'autrefois. D'ailleurs je suis allé me recueillir à Auray, chez mes ancêtres et là, que vis-je !! Un tournoi avec Mme la Marquise de Pouët-Pouët et le Baron Le Plouc en spectateurs, pendant que le curé, le vénérable, le révérend Père du Saint-Observatoire-Observantins, monseigneur Le Glou-et-Glou-et-Glou bénissait les pintes des invités les plus illustres. Ainsi, dans une représentation parfaite de la société de classes, je crus apercevoir la reine-mère, mais je ne vis pas sa tête, donc je ne suis sûr de rien...

Bref, tous armés de leurs chapeaux ronds, ils étaient entourés d'un clergé. Car les Bretons sont catholiques.

Alors qu'ailleurs, c'est bien connu, ce sont tous des mécréants... D'ailleurs le Pape a déménagé d'Avignon pour s'installer à Brest. Mais si, j'vous jure ! Ailleurs, les BMS n'existent pas, je vous l'ai démontré. Une fois que la femme a accouché, sur la Canebière, elle sacrifie le cordon ombilical à la Déesse Bouillabaisse. Si, j'ai lu ça dans un livre.

En plus, les Bretons étaient stables, ils ne bougeaient jamais. Faut dire, z'ont pas l'autoroute. D'ailleurs, cette assertion de M. Le Breton est sourcée par les plus grands historiens et anthropologues. Je cite d'ailleurs Claude Lévi-Strauss :
« L'exogamie est une règle de toute société. Sauf chez les Bretons qui, se mariant entre eux sans prohibition de l'inceste font que ce putain de bouquin que je viens d'écrire ne sert à rien. »

C'est donc une vérité universellement reconnu que les Bretons partaient soit en Nouvelle-Zélande, soit restaient au village. Car JAMAIS, je dis bien JAMAIS, un Breton n'ira à Paris, Lille ou Bordeaux. D'ailleurs mon aïeul né à Lorient marié à une Bretonne du Nord (de Valenciennes) est mort en Bretagne du Sud (Marseille).


Sur ce, je vous laisse méditer, chers amis généalogistes. M. Le Breton a raison, entièrement. Simplement son argumentaire manquait du poids que je viens de vous donner. J'espère que vous aurez ainsi compris pourquoi j'ai décidé, de ma demeure bretonne d'Aix-en-Provence, de prendre sa défense.